Automne, monotone, sanglots longs, violons, feuilles mortes et marrons.
Quand j'étais petite, on passait souvent du temps chez mes grands-parents, en vacances et le week-end. Autant chez nous on restait plutôt dedans, autant chez eux on était tout le temps fourrés dehors. Pourquoi? Tout simplement parce qu'ils habitaient une immense maison entourée d'un énorme jardin avec une allée encadrée de marronniers et même un petit bois (mais si!).
En automne, on sortait les rateaux et ratisse que ratisse, on nettoyait tout ça proprement pour que les pluies d'octobre ne puissent pas faire pourrir les feuilles et englissader le chemin. Evidemment, c'est Grand-Papa qui se tapait surveillait le feu de joie pendant que nous prenions le goûter au chaud avec Grand-Maman une fois qu'on avait fini de jouer.
Mais plus encore que les tas de feuilles mortes dans lesquels se rouler, j'aimais à collectionner les marrons. Rond, brillant, le marron.
J'offrais mes trésors à ma grand-maman, qui s'en faisait des colliers qu'elle s'enroulait autour du cou et empilait au pied de son lit avec des petits cris de joie. C'est que les marrons c'est souverain pour les rhumatismes, paraît-il.
Quand la récolte avait été particulièrement bonne, Grand-Papa sortait ses outils et nous bricolait une ménagerie avec du fil de fer et des allumettes. Quand on a vidé leur maison il y a quelques siècles, je n'avais plus ratissé chez eux depuis au moins quinze ans mais certains de ces animaux végétaux étaient encore à leur place, sur l'étagère dans la chambre "des enfants". Avec leurs copains en pâte à sel, et ceux aussi en pâte à modeler.
Grand-Papa et Grand-Maman dorment ensemble au cimetière depuis quelque temps déjà, et pourtant chaque automne, quand revient la saison des marrons, je ne peux m'empêcher d'en glisser un ou deux dans ma poche, un peu malgré moi. Et regrette de ne plus avoir personne à qui les offrir.
Rond, brillant, le marron.